Du 20 février au 28 mars, TOPO présente l’installation de poésie numérique et visuelle Niyolchoca de l’artiste Rodrigo Velasco dans sa vitrine d’exposition du Pôle de diffusion de Gaspé. L’installation explore quatre poèmes dont chacun est une constellation explorant un univers symbolique fortement associé à la cosmogonie aztèque. Joignant poésie visuelle et littérature numérique, l’œuvre active des processus non linéaires et des représentations visuelles de la spiritualité dans la cosmogonie Náhuatl[1].
À partir de poèmes écrits à l’origine par des femmes et poètes du Mexique ancien publiés à l’origine par Miguel León Portilla dans « Quince poetas del mundo Náhuatl »[2], Rodrigo Velasco explore des processus génératifs afin d’imaginer les futurs indigènes par le biais de la poétique conversationnelle dans le cyberespace.
Niyolchoca signifie « mon cœur est triste ». Il s’agit d’une réponse possible à la question suivante : « Tlen ki ijtoa mo yolotl ? » [trad. «Que dit votre coeur ?»]. Cet échange témoigne d’une valeur importante de la cosmogonie Náhuatl: parler et vivre avec le cœur. L’installation Niyolchoca fait d’ailleurs écho à une autre œuvre de l’artiste, Niyolpaki, qui signifie « mon coeur est heureux ».
Les cuicamatl [trad. « papiers de chansons »] sont une autre source d’influence de l’œuvre, de par leur importance dans le monde Náhuatl, mais surtout par la sagesse et la vivacité qui caractérisent ces livres de poésie lyrique. Pour León-Portilla, un cuicamatl est conçu « non pas comme une précieuse fleur séchée, mais comme une fleur qui s’ouvre et se referme sous les rayons divers du soleil, afin que puissent l’apprécier les visages et les cœurs ayant connu des situations similaires dans d’autres circonstances [3]» (León-Portilla, 1978).
L’installation de Rodrigo Velasco porte en elle cette métaphore de la fleur qui vit avec son déploiement variable et aléatoire, tel qu’évoqué au sujet des cuicamatl. Sa nature transformationnelle et générative met de l’avant la création de trajectoires plutôt que d’images statiques. En explorant les mouvements transversaux de la pensée et des sentiments, cette installation célèbre la vie et l’étonnante beauté de Náhuatl.
Niyolchoca s’inscrit dans le premier cycle thématique de la programmation Frontière, proposée par TOPO pour 2019-2021. Cultures, langages, spiritualités: au-delà des frontières réunit trois artistes issus de la pluralité des Amériques qui explorent la reconquête des racines et des héritages, à travers des questionnements sur la mémoire et la mort.
[1] Náhuatl est une macrolangue issue de la famille uto-aztèque, maintenant parlée dans plusieurs communautés et la langue indigène la plus parlée au Mexique.
[2] León-Portilla, Miguel. « Trece poetas del mundo Azteca », Universidad Nacional Autónoma de México, Instituto de Investigaciones Históricas, 1978.
[3] Texte original : not as a precious dry flower, but as one that opened again and again under the different rays of the sun, so that the faces and hearts that lived in varied circumstances could enjoy it’.