Dès le 11 novembre 2021, TOPO annoncait une nouvelle exposition en vitrine avec une proposition médiatique des artistes Rob Feulner et Sam Meech, Unstable Intermediated Forms [Formes instables intermédiées]. Les artistes ont proposé une série d’œuvres génératives de rétroaction vidéo (feedback) et de distorsion analogique qui exploraient la dynamique des fluides, la génération de motifs et l’interactivité. L’installation connectait une diversité d’appareils interdépendants afin de générer de nouvelles formes et interprétations échappant à leur contrôle. Le traitement de la vidéo en temps réel, le détournement de la technologie et l’exploitation des limites techniques sont au cœur de la démarche de Rob Feulner et Sam Meech.
Cette installation comprend des œuvres vidéo et interactives déjà exposées par les artistes ainsi que le résultat d’expériences récentes de rétroaction vidéo. Les artistes utilisent des systèmes non linéaires qui génèrent de l’ordre et du chaos, transformant les artefacts vidéo en leur donnant parfois des mouvements naturels, comme l’oscillation de l’eau. Les œuvres du corpus original des artistes sont ici enchevêtrées à travers des systèmes intermédiés qui s’influencent mutuellement, chaque œuvre étant affectée et médiatisée par les autres, façonnant et modelant constamment l’installation.
Le dispositif multicanal présenté dans la vitrine de TOPO s’inscrit en opposition à la notion de « formes intermédiées stables » qui réfère à des œuvres qui se développent par itération, c’est-à-dire par des processus de programmation qui combinent une part d’expérimentation et de résultats prévisibles en vue d’atteindre un objectif artistique défini. Plusieurs œuvres réalisées précédemment par Feulner et Meech se conforment à cette notion. Elles sont nées de l’expérimentation, mais finalement cristallisées dans un processus médiatique figé pour des expositions.
Dans cette exposition, en proposant plutôt des formes instables et intermédiées, Feulner et Meech cherchent à étendre le potentiel d’échec. L’interconnexion exploratoire d’appareils technologiques pour générer des résultats imprévisibles multiplie les possibilités de heurts ou d’harmonies nouvelles. Ce remix peut créer de nouvelles dynamiques et générer de nouveaux modèles de comportement coopératif.
Les artistes utilisent une combinaison de traitement analogique, de saisie par caméra en direct, de projection numérique et de conception interactive (à l’aide du logiciel Isadora). Un set de lumières DEL est aussi programmé pour réagir avec les œuvres dans l’espace.
La remise en scène de l’art numérique s’avère souvent difficile et, dans ce cas, l’intention est d’inverser l’ingénierie des œuvres originales des artistes afin de les pirater ensemble. Les artistes savent que certains éléments de l’installation ne fonctionneront pas comme prévu, mais cela ne signifie pas qu’ils ne « fonctionnent » pas. Ils devront certainement se rendre sur place durant l’exposition pour ajuster des paramètres, les angles de retour des caméras, remplacer des téléviseurs défectueux ou contourner des bogues logiciels. Au final, les distorsions importent peu, les feuilles mortes font un excellent compost et les pièces détachées construisent des machines.
Comme les flux vidéo s’influencent mutuellement dans leur forme même, la collaboration artistique de Feulner et Meech se contamine réciproquement. Leur collaboration influe à la fois sur leur esthétique et leur mode de production. Unstable Intermediated Forms les incite à sortir des acquis pour élargir leur champ d’exploration.
On rentrera dans une autre ère d’Internet, parce que le changement des interfaces fait que les utilisateurs n’auront plus d’accès direct au monde virtuel, puisque tout sera intermédié.
Guillaume Ledit, «Tout le foisonnement que permet Internet pourrait avoir disparu dans 15 ans»,
dans Usbek & Rica, 28 juillet 2017
Source