Le 8 septembre 2021, TOPO relançait son programme d’expositions en vitrine en entamant un nouveau cycle thématique sous le thème de la fluidité. L’artiste rimouskoise Fernande Forest exposait jusqu’au 23 octobre son projet Fantasmagorie de semences potagères, une exploration audiovisuelle magnifiée depuis la nature même de trois semences : oignon, chou et salsifis.
Suite à un travail de recherche dans un laboratoire de microscopie, Fernande Forest a exploré la partie invisible de semences potagères issues de variétés anciennes. Il en est ressorti un important corpus photographique à partir de trois appareils : un microscope binoculaire muni d’un appareil photo reflex, un microscope électronique à balayage où l’image en tons de gris est obtenue par l’interaction entre les électrons et la matière, et un numériseur où les graines ont été numérisées, suite à une étape de germination en atelier.
Chacun de ces outils teinte de ses propriétés spécifiques le paysage révélé par les semences. On y découvre la topographie de l’infiniment petit : une morphologie unique composée de microstructures organisées et complexes. De ces photographies, l’artiste a généré un processus de transformation avec les technologies de l’image afin d’en révéler les microstructures numériques. Ces entités numériques « pixeldéliques » et les photographies réelles composent la matière de cette vidéo réalisée avec le soutien de la vidéaste Cynthia Naggard et la musique des compositeur.trice.s Éric Normand et Clarisse Bériault.
Je t’ai trouvée allongée sur la terre, les vestiges de ta vie à tes côtés, brisés, en lambeau.
Tu étais là, minuscule, presque invisible, privée d’eau, gorgée de soleil.
Je t’ai recueillie et j’ai voulu apprendre de ton corps. Je t’ai observée, scrutée, changée.
Et puis, j’ai rêvé à cette fantasmagorie, où tel un fantôme venu du cosmos, tu flottais,
transformée, habillée tantôt de mille couleurs, tantôt de noir.Fascinée, je découvrais ton monde secret.
Une organisation minutieuse, complexe, intelligente, venue de la nuit des temps.
Et puis, les données devenaient partielles,
tout s’atténuait, ne restaient que des couleurs, des signes, des symboles,
comme une trace fossile et tu disparaissais.Au matin, je t’ai déposée sur la terre et t’en ai recouvert.
Bien plus tard, j’ai vu la vie apparaître à nouveau.
En fait, ta vie ne s’arrêtait pas à ton aspect matériel du moment.
Tu étais un devenir, un destin, un cycle.
Et ce cycle fécond se poursuit, fluide, éternel, indissociable du ciel et de la terre.
Tu es semence, spermaphyte, graine, capsule de vie.– Fernande Forest
Fernande Forest
Née à Bonaventure en Gaspésie, Fernande Forest vit à Rimouski dans le Bas-Saint-Laurent où elle exerce une pratique en arts visuels depuis plus de 30 ans. Sa recherche est axée sur le vivant, principalement sur les végétaux qu’elle côtoie dans son milieu de vie. Depuis ses débuts en photographie, elle utilise le numériseur comme caméra macro, ce qui l’a amenée récemment à la microscopie scientifique. Designer graphique de formation, elle a complété un cours de deuxième cycle en études de la pratique artistique.
Elle a réalisé de nombreuses expositions solos et collectives présentées au Canada, en France et en Pologne. Elle a participé à des symposiums et des événements de création in situ tel la Rencontre photographique du Kamouraska. Boursière du CALQ et du CAC, elle réalise aussi des œuvres dans le cadre de la politique d’intégration des arts à l’architecture.
Sa pratique en photographie crée des filiations entre notre rapport au végétal, au scientifique et à notre humanité en révélant le réel et en le magnifiant. Dans les représentations qu’elle fait, elle cherche à faire émerger, de façon tangible, la force vitale qui nous est commune. Celle qui pousse tous les organismes vivants à s’épanouir en évoluant grâce aux mélanges, aux risques et aux renouvellements que les rencontres provoquent.