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Entrevue avec l'artiste

Réflexions théoriques

Frontière et migration : une esthétique du changement

Par Chantal Pontbriand, directrice artistique, commissaire et éditrice

Le rapport entre émigration et création se situe au cœur de cet essai où il s’agit d’analyser comment le mouvement, le mouvement physique ou psychique, le déplacement au-delà de son lieu d’être, est essentiel à l’enclenchement d’un processus créateur et au développement d’une esthétique novatrice, qu’on peut qualifier d’esthétique du changement.

Le dernier livre du sociologue Fernand Dumont, considéré dans l’histoire des idées au Québec comme ayant jeté les bases d’une sociologie moderne, s’intitule Récit d’une émigration. Dans cette autobiographie intellectuelle, Dumont y analyse comment sa pensée de sociologue s’est formée au-delà de son milieu d’origine ouvrier, pauvre et illettré. Néanmoins, il revient sur l’importance de ce processus et sur le rapport affectueux qu’il a maintenu avec son lieu d’origine (sans nostalgie toutefois), tous deux formateurs pour sa pensée et son œuvre.

Géopolitique et géopoétique s’entrecroisent dans cette dynamique, alors que culture et nature agissent dans une danse commune. Le rapport à la nature ne saurait être ignoré dans le contexte des Amériques où conquête du territoire partout s’arrime avec conquête de la nature, et ce au fil des siècles. Alors qu’il s’agit de faire face tant aux grandes chaleurs du Sud qu’au froid intense au Nord, il se développe des façons de faire et d’être qui donnent lieu à l’émergence d’esthétiques particulières, ainsi que d’éthiques singulières, en admettant comme le dit Wittgenstein qu’éthique et esthétique ne font qu’un.

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Implants cerveau-machine [ICM] : Art, considérations éthiques et implantations neuronales

Par David Jhave Johnston, chercheur et poète numérique

Dans cet essai, Jhave aborde l'éthique des frontières neurologiques.

« Nous sommes les habitants d'une explosion. Même loin de la frontière, les ondes de choc et les fractures nous traversent.

Au début du XXIe siècle, alors que les entreprises technologiques, motivées par des richesses potentielles, tentent d'analyser les données de leurs utilisateurs, d'anticiper leurs besoins et de deviner leurs intentions, les utilisateurs, motivés par la curiosité et le désir d'efficacité, demandent plus de facilité, plus d'informations et des interfaces transparentes plus rapides. La combinaison de ces moteurs synergétiques entrelacés, utilisateur et entreprise, profit et intimité, alimente une ruée vers l'or. Les investissements dans le domaine lucratif de l'implantation cerveau-machine sont en plein essor.

La future frontière de l'interface se trouve à l'intérieur du corps ; elle se trouve à l'intérieur des cerveaux. Les puces d'intelligence artificielle interprètent les signaux de stimulation, les capteurs musculaires lisent les pensées. Dans le futur (anticipé et conçu par Google, Baidu, Facebook, Amazon et AliBaba), pour faire quelque chose, nous y penserons ; pour acheter quelque chose, nous y penserons. Mais qui est ce nous ?

De nombreuses interfaces neuronales feront l'objet d'essais sur l'être humain dans les années 2020. NeuraLink, BrainGate, Synchron, Medtronic et bien d'autres sprintent vers des systèmes d'implantation cerveau-machine complets, légers et prêts à l'emploi. Symptomatiquement, RatHat, un système d'implant cérébral imprimable en 3D et autociblable, a été lancé en décembre 2019. Les frontières des cerveaux humains seront précolonisées par une génération de rats et de primates euthanasiés : des systèmes cognitifs non cédés, occupés, colonisés. »

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La sémantique actuelle des frontières : des pistes politiques

Par Ricard Zapata-Barrero, professeur et théoricien

L'essai s’appuie sur l'hypothèse selon laquelle la circulation des personnes entre les États a remodelé les liens entre la politique et les frontières.

Cette démarche de redéfinition du concept de « frontière », au centre des nouvelles approches de gestion des migrations et de la perception publique de l'immigration, est étroitement liée à l'image de la « frontière » véhiculée par les politiques. Pour cette raison, la capacité de gérer les frontières peut façonner ou modifier une certaine idée de la migration. Ainsi, cet essai explore le concept de « frontière » dans le contexte des politiques de gestion de la mobilité humaine sous l’angle de la théorie politique. Partant du principe qu'il n'existe pas encore de théorie politique des frontières proprement dite, je soutiens que pour en établir les bases, la frontière doit être considérée non seulement comme un concept et une approche, mais aussi comme une catégorie politique. Pour finir, j’examine quelques arguments relatifs à la mobilité humaine et au contrôle des frontières.

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La notion de frontière : du mental au spatial

Par Jean-Dominique Leccia, psychiatre

Jean-Dominique Leccia pose une réflexion sur la révolution spatiale du mental et comment les frontières s’inscrivent dans ce langage spatial qui est mentalisé. Il évoque des frontières avec leur extension, la manière dont elles sont internalisées dans le trouble psychique et potentiellement comprises dans le traitement psychiatrique.

« Au cours de ma vie professionnelle de clinicien, j’ai exploré le rapport qu’entretiennent le mental et l’espace à partir de milliers de rencontres, dans divers territoires géographiques, sociaux ou ethniques. Sur une quarantaine d’années, j’ai ainsi pu noter la progression et l’évolution de la charge environnementale, de la mondialisation et l'écologie dans l’expression de la souffrance psychique. L’espace agit comme un langage avec des éléments premiers qui le fondent, comme les lieux, les trajets et les frontières qui dans le langage parlé se traduiraient en noms pour les lieux, en syntaxe pour les trajets et en ponctuation pour les frontières. Ces trois éléments fondamentaux se composent diversement pour établir des spécialités différentes comme il existe des langues différentes.

La transformation réelle et symbolique des lieux, la démultiplication matérielle et virtuelle des trajets, et leurs interactions, n’ont pas manqué d’entraîner une redéfinition des frontières : qu’il s’agisse de séparation physique et géographique, ou de la frontière fragile entre la réalité et le monde insistant de l’image et des médias sociaux. Comme les autres composantes de l’espace, les frontières sont investies, intériorisées comme signes pour exprimer les malaises psychiques et parfois les produire. Comme l’ensemble des pathologies afférentes soit au lieu, soit au trajet, le corps, peau et gestes mêlés, se confond avec notre expérience de la frontière. »

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Frontière | Réflexion artistique et théorique sur la programmation 2019-2022
INFO
Édition : Agence TOPO - Centre de création numérique
Direction : Eva Quintas, Michel Lefebvre
Comité artistique (Frontière) : Sylvain Aubé, Dominique Fontaine, Jean Gagnon, Michel Lefebvre, Paule Mackrous, Eva Quintas
Textes : Mirna Abiad-Boyadjian, Nuria Carton de Grammont, David Jhave Johnston, Jean-Dominique Leccia, Paule Mackrous, Chantal Pontbriand, Ricard Zapata Barrero
Révision : Timothy Barnard, Amélie Hamel, Michel Lefebvre
Traduction : Timothy Barnard, Claude Chevalot, Céline Flahault, Käthe Roth
Conception graphique : Roxane Michel
Conseillère à l'édition : Isabelle Gagné
Balados : Sylvain Aubé
Photo et vidéo : Maxime-Alexandre Gosselin
Conception web : Maxime-Alexandre Gosselin
Merci au conseil d'administration de TOPO (2019-2022) :
Myriam Benzakour-Durand, Marie-Ève Berlinger, Ghassan Fayad, Gabriel Galvis, Michel Jolicoeur, Julien-Robert Legault-Salvail, Stéphanie Morissette, Eva Quintas, Elody Sanchis, Louis-Richard Tremblay.
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